
Agatha : House of Harkness, Agatha : Coven of Chaos, Agatha : The Darkhold Diaries, ou encore Agatha : The Lying Witch with Great Wardrobe. Il aura fallu pas moins de quatre changements à Marvel Studios avant de dévoiler le titre officiel de la série : Agatha All Along. S’agit-il là d’une habile campagne marketing ou d’une production compliquée ? À l’image d’Agatha, narquoise et manipulatrice, les équipes de productions se seront ainsi bien joué des fans pendant la promotion du show. Maintenant que la série a terminé sa diffusion, il est temps de vérifier si ce n'est pas sur sa qualité que Marvel s'est joué de nous.
Personnage tertiaire en comics, Agatha Harkness avait été introduite il y a déjà trois ans au sein de l’univers cinématographique Marvel via la série WandaVision. Excepté l’interprétation jouissive de Kathryn Hahn, le personnage était un antagoniste, sans relief. C’est donc avec surprise et bien peu d’intérêt que l'annonce d'un projet centrée la sorcière a été accueillie. Déjà à l’origine de WandaVision, la réalisatrice et scénariste Jac Schaeffer est officiellement engagée comme showrunneuse. Le tout se dessine alors clairement comme une suite à la première série et ce n’est pas les premières fuites sur l’histoire, ni le casting qui nous feront dire l'inverse. De quoi enfin éveiller - un peu - l’intérêt des fans, même si la production de la série se fait dans la plus grande indifférence à la fois de la part du public mais aussi du studio qui ne semble pas mettre la mettre plus en avant que cela.
Nous retrouvons donc le personnage d’Agatha, sans souvenirs et sans pouvoirs, toujours piégé par le sortilège que lui avait lancé Wanda après leur affrontement. L’apparition d’un adolescent mystérieux va alors la sortir de l’emprise de la Sorcière Rouge et la mener à réaliser une quête dangereuse sur la légendaire Route des Sorcières où les dangers seront nombreux et des mystères seront percés.

Balais magiques, sortilèges, malédiction, tarot, exorcisme et potions sont au rendez-vous. L'équipe de scénaristes s'est efforcée de représenter plusieurs formes de sorcellerie et de disséminer multiples références. Une réflexion évidente sur la représentation de la sorcière et de la femme à travers l'histoire est aussi esquissée, mais nous restons cependant chez Marvel Studios, la retenue est donc de mise. La série se permet quand même quelques libertés notamment dans la représentation de l'horreur. On notera aussi une scène de nue sur proposition de Kathryn Hahn. Un détail qui pourrait prêter à sourire, mais n'est pas anodin quand on évoque les studios américains souvent mal à l'aise avec ce sujet. Ce n'est d'ailleurs que la quatrième fois - et la première pour une femme - que cela arrive au sein du Marvel Cinematic Universe en seize ans et plus soixante productions. Entre ça, la vulgarité et la violence de Deadpool & Wolverine, assiste t-on à une évolution du studio dans sa liberté ce qu'ils acceptent désormais ou non de montrer ? Seul l'avenir le dira.
Kathryn Hahn, déjà réjouissante dans WandaVision, est ici absolument fantastique, dans le rôle de cette sorcière cruelle, narquoise, antipathique, mais touchante à la fois. La remarquable Aubrey Plaza fait son entrée au casting et s'accorde à merveille avec sa partenaire. À la fois alliée et adversaire, elle passe par diverses interprétations et l'on devrait, à n'en pas douter, la retrouver dans le futur du Marvel Cinematic Universe. Une autre figure majeure est introduite dans la série : Wiccan. Incarné par Joe Locke - rendu célèbre grâce à Heartstopper -, le jeune adolescent manque encore un peu d’épaisseur mais s’annonce plus que prometteur. Le sabbat de sorcières qui accompagne nos « héros » ne démérite pas, et chacune de ses membres a l’occasion de briller, avec une mention spéciale pour Patti LuPone, au coeur du septième épisode de la série, l’un des meilleurs. Vous risquez rapidement d'être attaché à tous ces personnages, et même si vous n’avez pas vu WandaVision et les productions précédentes, il vous sera impossible de les abandonner sur la Route des Sorcières. La réussite de la série ne repose toutefois pas que sur son casting et l'écriture n'est pas en reste.

La structure du show s’avère très proche de son prédécesseur : 9 épisodes, alternance entre drame et comédie, réalité modifiée, thématiques analogues... Mais cette fois, la scénariste semble avoir pris conscience des défauts reprochés à l'époque et les corrige. Du moins en partie, car de trop nombreux flashbacks didactiques viennent encore alourdir le récit et nous sortent de l'ambiance mystique posée par l'histoire principale. Parallèlement à cela, Jac Schaeffer et son équipe se montrent encore une fois d’une rare justesse lorsqu’il s’agit de développer ses personnages et d’aborder des sujets comme l’amour ou le deuil, la Mort est d’ailleurs - littéralement - très présente dans cette série. Chaque personnage est en danger et, contrairement à de nombreux autres œuvres du MCU, tous ne reviendront pas. Agatha All Along est sur bien des points une série radicale qui assume jusqu’au bout ses partis pris, on reproche bien souvent aux productions mettant en scène des vilains ou des anti-héros de trop les adoucir, ce n’est ici pas le cas. Agatha est un personnage détestable ? Ne vous attendez pas à la voir devenir une super-héroïne à la fin, bien au contraire.
Là où WandaVision évoluait en parallèle de l'histoire des séries américaines, Agatha All Along suit un chemin similaire et utilise la magie de la Route des Sorcières pour explorer divers univers en lien avec ses protagonistes - les années 70 puis 80, le Magicien d'Oz... - l'occasion de varier le cadre et les costumes, offrant ainsi une superbe garde-robe à nos sorcières bien-aimées. Il est d'ailleurs important de signaler que pour donner vie à cette Route, les équipes de production ont eu recours à de véritables décors en plus des effets numériques. Une intention louable et authentique qui se voit à l’écran, et donne à ce lieu mystique une texture à la fois fausse et réelle, ce qui va totalement dans le sens du propos de l'histoire.

Côté musique, Christophe Beck et Michael Paraskevas livrent une partition honnête dans laquelle on pourra retenir un ou deux thèmes, mais c’est surtout la chanson « The Ballad of the Witches’ Road », écrite par Kristen Anderson-Lopez et Robert Lopez, réinterprété à de multiples reprises au cours de la série qui marquera à coup sur le public et restera en tête pendant longtemps. Ils étaient déjà derrière le titre musical Agatha All Along dans WandaVision, servait à dévoiler la véritable nature manipulatrice du personnage et l'avait rendu célèbre avant de devenir le titre de sa propre série. La boucle est bouclée.
Étonnamment, Agatha All Along est une bonne surprise et s’impose comme l’une des meilleures productions de Marvel Studios depuis quelques temps. Il ne s’agit bien évidemment pas d’une grande série, mais suffisamment bien faite pour donner aux spectateurs l’envie d’enchaîner rapidement avec les épisodes et d'accompagner notre sabbat tout au long de la Route des Sorcières. En plein milieu d'une période difficile pour l’univers cinématographique Marvel, cette série fait du bien et, on le souhaite, augure le meilleur pour la suite. Un futur dont on espère que Jac Schaeffer fera encore partie, tant elle prouve encore une fois son potentiel. En prenant une antagoniste au premier abord inconsistante pour en faire un personnage plus complexe au centre d'une série réussie et appréciée, Marvel Studios s’est peut-être finalement bien joué de nous.
Agatha All Along - créé par Jac Schaeffer - musique composée par Christophe Beck et Michael Paraskevas - chanson écrite et composée par Kristen Anderson-Lopez et Robert Lopez - Avec Kathryn Hahn (Agatha Harkness), Joe Locke (William Kaplan / Billy Maximoff / Wiccan), Aubrey Plaza (Rio Vidal / Death), Sasheer Zamata (Jennifer Kale), Patti LuPone (Lilia Calderu), Ali Ahn (Alice Wu-Gulliver) et Debra Jo Rupp (Sharon Davis / Mme. Hart) - 9 épisodes - 31 à 49 minutes - diffusée entre le 18 septembre et le 30 octobre 2024.
Toutes les images présentes dans cet article sont la propriété de Marvel Television.
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