Il y a presque dix ans, James Gunn nous faisait croire qu’un loser intergalactique, un raton laveur, un arbre et deux tueurs psychopathes pouvaient s’allier pour sauver l’univers et devenir une famille : Les Gardiens de la Galaxie. Pari ô combien risqué, le long-métrage produit par Marvel Studios s’est révélé être un succès inattendu et le début d’une franchise très lucrative. Près d’une décennie plus tard, la famille des Gardiens s’est agrandie, ils ont sauvé l'univers à plusieurs reprises et se sont même alliés aux Avengers lors du plus grand crossover de l’histoire du cinéma. Tout en essayant d’outrepasser leurs blessures personnelles pour rester soudés entre eux. Cependant chaque histoire touche à sa fin, et celle de « notre brochette de dégénérés » arrive à son terme.
Après avoir été soudainement viré de chez Marvel suite à de sombres manigances liées à l’Extrême-Droite américaine, James Gunn s’en était allé chez la distinguée concurrence - DC Comics - réaliser le très bon The Suicide Squad. Un galop d’essai qui lui aura valu entre autres choses de devenir aujourd’hui l’architecte principal du nouvel univers DC au cinéma. Mais soutenu par les fans et surtout par son casting - une famille même derrière l’écran semblerait-il - Gunn avait finalement été rappelé par Disney pour clôturer sa trilogie. Voilà donc le réalisateur de retour chez la firme aux grandes oreilles pour un dernier tour de piste avant de retourner dans la maison d'en face. Des rebondissements de situation et des allers-retours entre studios qui auront certainement donné plus de poids et de liberté à James Gunn dans la conception de son film.
Les Gardiens de la Galaxie Vol.3 fait donc souffler un vent de fraîcheur dans le domaine sans saveur des blockbusters. Une oeuvre qui donne enfin l’impression de regarder un film avec un réalisateur derrière et non pas produit insipide pensé et façonné par un studio, comme Ant-Man & The Wasp : Quantumania par exemple. James Gunn réussit encore une fois le tour de force de livrer à la fois un film labellisé Marvel Studios et une œuvre personnelle. Visuellement l’artiste laisse libre cours à son imagination et l’on retrouve sa folie, son impertinence et son amour pour le monstrueux. On pensera particulièrement aux compagnons de laboratoire de Rocket semblant tout droit sortis de nos pires cauchemars d’enfant où à l’Orgoscorpe une station spatiale visqueuse entièrement faite de matière organique. Le long-métrage est d’ailleurs certainement l’un des plus sombres de l’univers Marvel en jouant très habilement avec la ligne de ce qui est autorisé par l’interdiction PG-13, déconseillé aux moins de 13 ans aux Etats-Unis, mais tous publics en France.
Délaissant Thor, Thanos et les Avengers, le réalisateur choisit de se concentrer sur ses protagonistes de cœur et en particulier Rocket. Même si le personnage incarné par Sean Gunn - le frère du réalisateur - et doublé par Bradley Cooper n’a jamais occupé le haut de l’affiche, James Gunn lui a toujours montré une certaine tendresse. Ce troisième film est enfin l’occasion pour le cinéaste de développer l’histoire de notre raton laveur de l’espace et d’explorer ses origines. Mais Gunn aime bien évidemment tous ses personnages - et son casting - et pas un n’est laissé de côté, même Drax qui n’avait plus connu de développement narratif depuis le tout premier film n’est pas oublié, et Dave Bautista continue de prouver son potentiel d'acteur.
Ce film marque surtout le grand retour d’un Chris Pratt inspiré et juste dans son incarnation de Star-Lord, ce qui n’avait plus été le cas depuis un long moment. L’acteur renoue avec sa dimension de loser magnifique - comme dans The Lego Movie - qui lui sied à merveille, à contrario de ses autres rôles des dernières années tels que la trilogie Jurassic World ou le très mauvais The Tomorrow War. De manière générale on sent le casting très impliqué et l’on s’amusera à retrouver différents comédiens et comédiennes fétiches du réalisateur ainsi que ses proches renforçant encore plus la dimension familiale du film et son propos sur l’amour et l’amitié.
Marvel Studios oblige, le film n’efface pas totalement la formule imposée par l’entreprise depuis des années, mais Gunn arrive à subtilement alterner entre ses envies et son cahier des charges. Même la structure du film s’écarte des standards habituels du Marvel Cinematic Universe pour nous proposer une fuite en avant riche en émotions où les Gardiens vont tenter de sauver l’un des leurs plutôt que la Galaxie. L’humour parfaitement dosé ne vient jamais amoindrir la charge émotionnelle du film et de nombreuses larmes devraient couler.
Depuis la sortie d’Avengers : Endgame en 2019, le MCU a bien du mal à se relancer et raviver l’engouement des fans. Après une succession d’échecs comme Ant-Man & The Wasp : Quantumania ou encore Thor : Love & Thunder ce troisième volume des Gardiens de la Galaxie était très attendu et le succès critique et public rencontré par le film depuis sa sortie le démontre bien. Serait-ce là le retour des grandes heures du MCU ? Rien n’en est moins sûr. En coupant tous liens avec le reste des autres franchises pour se concentrer sur le destin de ses personnages ce nouvel opus est une véritable conclusion à des arcs narratifs initiés il y a neuf ans maintenant ainsi qu’à la formation actuelle de l’équipe. On pourrait alors se demander si Les Gardiens de la Galaxie Vol.3 et sa réussite n’agissent pas plutôt comme une épitaphe pour Marvel Studios.
Malgré quelques défauts inhérents aux productions de Marvel Studios, Les Gardiens de la Galaxie s’en sort remarquablement bien et James Gunn livre comme à son habitude un film en toute sensibilité, honnête et sincère avec toujours une bonne dose de cynisme mais surtout d’amour. La véritable histoire des Gardiens n’a jamais été celle de héros qui sauvent l’univers, mais bien celle d’individus déboussolés, forcés par les évènements à former une famille parfois dysfonctionnelle mais qui leur a permis de panser leurs blessures et de trouver un foyer. Après dix années à garder la galaxie, il est temps pour nos héros de trouver leur place au sein de ce vaste multivers, d’avancer, de grandir, de se faire accepter, mais surtout de s’accepter soi-même.
Les Gardiens de la Galaxie Vol.3 (Guardians of the Galaxy Vol.3) – réalisé par James Gunn – écrit par James Gunn - musique composée par John Murphy - Avec Chris Pratt (Star-Lord / Peter Jason Quill), Bradley Cooper (Rocket Raccoon), Dave Bautista (Drax), Karen Gillan (Nebula), Pom Klementieff (Mantis), Vin Diesel (Groot), Zoe Saldana (Gamora), Sean Gunn (Kraglin / Rocket Raccoon), Maria Bakalova (Cosmo), Chukwudi Iwuji (Le Maître de l'Évolution), Will Poulter (Adam Warlock), Elizabeth Debicki (Ayesha), Linda Cardellini (Lylia) et Sylvester Stallone (Stakar Ogord) - 150 minutes - tous publics - sortie le 03 mai 2023.
Toutes les images présentes dans cet article sont la propriété de Marvel Studios.
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